jeudi 2 avril 2009

Misiones Jesuiticas

Après avoir traversé la frontière Brésil-argentine, et le plaisir que ça a été de retrouver ce pays fantastique, nous décidons d’écourter notre séjour brésilien au profit des Misiones argentines. Mais avant ça, il va nous falloir galérer quelques heures avec l’agence de Francis (la LAN) à Puerto Iguaçu pour changer notre billet d’avion... Ben oui, pas si faciles que ça les billets tour du monde soit disant en open… Réponse de Francis ? Ben faut aller à Buenos Aires ou à Asunción au Paraguay pour changer le billet!!! Et si on abandonne notre vol initial Sao Paulo - Lima, on est considérés comme déserteurs et ce sont tous nos autres vols qui sont annulés!! Génial!
On ne va donc pouvoir profiter de cette magnifique et luxuriante région de l’Argentine que peu de jours, le décompte avant perdition des billets d’avion étant lancé…
Nous arrivons par le bus à San Ignacio de nuit et grâce à mon amoureux qui, méfiant, ne dormait que d’un œil ; sans sa vigilance, le bus oubliait de s’arrêter pour nous et on finissait on ne sait pas où! Dans la pénombre, un peu endormis (enfin surtout Baptiste et moi!), on avance alors dans la recherche d’une guest et tombons par hasard sur le superbe “Refugio”, un havre de paix où nous sommes accueillis comme des membres de la famille.
Quelques heures de sommeil plus tard, nous prenons donc la direction des ruines de la mission jésuite, croisant ça et là des échoppes vides, attendant sans doute l’heure fatidique du déversement des cars de touristes. En effet, le site est l’un des plus connus d’Argentine et donc l’un des plus touristiques, mais, au petit matin, nous avons la chance de le découvrir en solitaires : quelle chance!
Les murs d’enceinte, immenses et vaguement délabrés, donnent le ton. De la pierre ocre se mêlant à la végétation, et une atmosphère chargée d’histoire ; nous entrons dans l’univers des Jésuites.
Pour mieux comprendre ce fait historique mais surtout ce microcosmos culturel, un musée introduit la visite. Là se trouve bien expliquée la mise en place de cet ordre religieux. Fondé en 1367, l’ordre des Jésuites est appelé à coloniser une partie des terres du Nouveau-Monde avec pour mission d’évangéliser (et de placer sous allégeance…) les populations indigènes. Ils fondent donc, à partir de 1611, pas moins de 30 villages repartis aux confins des actuels Argentine, Brésil et Paraguay. Chaque mission formait un véritable univers propre bâti sur un mode ultra-communautaire. Tout le monde travaille sa partie de terre, donnée au chef de famille en fonction du nombre de membres qu’elle comporte, ainsi que la partie commune, la récolte étant destinée prioritairement à la communauté. Les hommes travaillaient également comme charpentiers, ferronniers ; les femmes se dédiaient à la garde des enfants, au tissage, aux tâches domestiques ou encore à la cuisine. Ecole, église, agriculture, mais aussi création de tout un artisanat. En effet, les Jésuites, dans leur mission d’évangélisation, préféraient la soumission d’un nouveau principe cultuel à la force et avaient élu l’art comme véhicule de la foi.
Surtout, les Jésuites se basaient sur un principe de tolérance. De la bible traduite dans la langue indigène (guaranie) à l’acception de l’influence indigène dans la croyance catholique et la préservation de sa culture, les Jésuites ont permis aux peuples indigènes de trouver un refuge chaleureux et protecteur (contre les attaques terribles des tribus voisines et surtout des Paulistes du Brésil) tout en leur permettant de sauvegarder leur culture. Ainsi, la communauté des missions jésuites connait une croissance incroyable. Ayant négocié le droit d’autogestion avec la couronne espagnole, les Jésuites et leur réussite incroyable, tant de par la population présente dans les Missions (de 28 714 habitants en 1647 à 141 182 en 1732, défiant la triste loi des épidémies) que de par le succès phénoménal et même les exportations de leur artisanat, commencent à faire de l’ombre au Vieux Monde… A la fin du XVIIIe, les missions sont démantelées, les Jésuites chassés par Carlos III et les indigènes, bien que les Jésuites les aient armés pour assurer leur défense, massacrés. Les missions tombent en ruine à partir de 1767 et sont en partie détruites par les invasions portugaises. Les Missions jésuites restent l’expérience de la viabilité de ce qui est considéré comme une utopie, une expérience de civilisation inédite et, aujourd’hui, une magnifique richesse archéologique, classée Patrimoine de l‘Humanité par l‘UNESCO.
Nous quittons le musée qui nous ouvre alors les portes des ruines. Je suis sous le charme… mais pendant ce temps…


Profitons finalement des allées entre les habitations, nous nous laissons aller à un petit jeu de Benny Hill...


Les quelques conneries évacuées, nous pénétrons dans le cœur des lieux. La place centrale, autour de laquelle habitaient les Jésuites pour surveiller la vie de la cité, accueillait l’école, l’église et plus loin le cimetière.
La végétation tropicale a, ici comme à Angkor, bien repris ses droits et si une mission de rénovation a eu lieu à l’époque de la 2e guerre mondiale (comme dirait Baptiste, “ça va? On vous dérange pas trop avec le bruit des bombes et notre malheur??”!), les travaux d’entretien sont toujours d’actualité. Moi j’aime le cachet de ces ruines rendues à la nature.

Mais quel boulot de voir ces hommes qui travaillent à la réédification d’une partie de l’église par exemple, sachant que pour ce faire, ils réalisent un véritable puzzle géant avec les pierres éparpillées au sol et seulement numérotées…

Nous profitons de l’atmosphère des lieux puis nous quittons, toujours incroyablement seuls, ce site gigantesque que nous avons eu rien que pour nous.
Ce n’est qu’à midi, alors que l’on déjeune, que l’on voit les caravanes de bus tout confort déverser leur nombre inimaginable de touristes! Tous au même endroit à la même heure! Remarquez, c’est sympa pour créer des amitiés dans les groupes des concurrents! On est sûrs de ne pas se perdre!
Les Misiones, c’est déjà fini pour nous. Le temps presse et il nous faut vite rejoindre Asunción au Paraguay pour gagner notre contre-la-montre des billets d’avion. C’est avec regret et dans une précipitions hors contexte que l’on doit dire au revoir à Baptiste. Ca fait mal au cœur de le voir désormais seul pendant que notre bus s’élance, nous rendant à notre intimité retrouvée de couple.

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