mercredi 26 novembre 2008

Battambang

On arrive à Battambang en bus et comme d’habitude, c’est la course des tuk-tuk pour nous emmener au centre-ville. On est un peu fatigués par le voyage et cette “pression” nous agace un peu alors on zappe les “tuk-tuk? Tuk-tuk? Tuk-tuk sir?” et on part à pied à la recherche d’une guest. Tiens, pour une fois, certaines sont pleines, on doit donc en faire plusieurs pour en trouver une à bon prix. Et franchement, une fois chose faite, on n’a qu’une envie : croûter! Lecture, sieste et écriture sont donc les activités principales de notre première journée avec même en soirée la surprise de tomber sur “Un air de famille” à la télé! “Le plus dur c’est pour les enfants… Heureusement qu’ils n’en ont pas…” et “Tiens tu sais pas ce qu’il m’a fait cette semaine?? Une otite!”, on ne s’en lasse pas!
Le lendemain, fatigués encore mais armés de la meilleure volonté du monde (enfin après une grasse mat’ quand même…), on part manger sur le marché pour un bon petit repas de nem, noodle soup et poulet. Au dessert on se prend une bonne tarte : ici les mendiants attendent ton autorisation pour prendre les restes de ton assiette, et quand je dis restes, j’inclus les rognons de poulet que Matthieu n’a pas complètement sucés… Ici le mot “faim” veut vraiment dire quelque chose et, si à Phnom Penh on nous a “appris” qu’il ne fallait pas donner aux enfants, de voir ces jeunes aux cheveux décolorés et au ventre gonflé par le manque de je ne sais plus quelle vitamine et la malnutrition en général, ça donne vraiment envie de leur payer à bouffer… Comment ne pas être maladroit face à cette misère? Quelle attitude adopter? Le Cambodge continue décidément à nous poser question…
Sans transition on part chercher une location de moto pour explorer les environs. Les prix sont prohibitifs, et de toute façon mon amoureux et moi on est en de très bonnes dispositions pour nous lancer dans une activité collage, on décide donc de retourner à l’hôtel regarder le film “S21”, film sur le lieu du même nom confrontant avec force 2 survivants (ils étaient 7 seulement…) dont un peintre, et d’anciens bourreaux. Le peintre, Nath, est celui qui a peint les tableaux exposés au musée (vous en avez 2 photos dans l’article sur S21) et développe une force considérable pour aller, bras dessus bras dessous avec son ancien tortionnaire, faire une confrontation avec la réalité, comme pour demander confirmation au geôlier qu’il n’a pas rêvé toutes les scènes de torture qu’il affiche dans ses toiles… Chapeau… Le cinéaste propose également à un ancien bourreau de retourner dans la cellule qu’il gardait et de reproduire les gestes et paroles quotidiennes, ce qui sera d’une réalité absolument poignante tant cet homme, qui n’était qu’un gamin à l’époque (la majorité des gardiens de cette prison avaient pour la plupart entre 11 et 14 ans…), a l’air d’être resté dans son rôle, de n’avoir pas encore saisi la notion de bien et de mal. Le cinéaste reste d’ailleurs à l’extérieur de la cellule, expliquant dans le making of qu’il aurait eu l’impression de marcher sur les gens s’il était rentré tellement on avait l’impression que toute la scène était réelle… Ce film a été sélectionné à Cannes et, vous l’aurez compris, on vous en recommande le visionnage tant que ce n’est pas en plateau télé-pizza-c’est-fou-c’qu’on-s’éclate…
Aller, cette fois-ci on ne fait pas rien de notre journée! On se tire les doigts du … et on accepte la proposition du tuk-tuk qui nous a interpelés dans la rue pour nous conduire sur les sites intéressants de la campagne de Battambang. Mauvaise pioche car il nous conduit au Bamboo train, petit train de bambou sans doute sympa à faire mais absolument hors de prix (et pas du tout ce qu’on avait prévu de faire), on fait donc demi tour. Quelques péripéties plus tard qui ne méritent pas d’être mentionnées ici, on décide carrément de laisser tomber ce tuk-tuk… Retour à la case départ en centre-ville… Vouff! Que c’est dur de trouver la motivation! Vous savez quand vous n’avez pas trop envie et qu’en plus ce que vous tentez n’a pas l’air de marcher?… Mais non, on va pas de laisser aller! on opte, finalement, pour une location de vélo. Là on s’engage sur une piste improbable, arrosés copieusement et régulièrement de la poussière soulevée par les véhicules, voitures et camions, qui ne considèrent vraisemblablement pas les trous et les cailloux du sol comme un souci pour rouler aussi vite dessus. Bref, c’est dans ce décor… qu’on ne voit pas!, couverts d’un voile jaunâtre de particules de route, que la crevaison intervient. Ben oui, il ne manquait plus qu’elle! Qu’à cela ne tienne, on fait réparer la roue (on en achète même une neuve tellement le pneu était crevé de partout…) et on s’arrête manger dans le bled. On a la chance de trouver une petite dame et sa cuisine ambulante, arrêtée dans la cour d’une maison, l’occasion d’un bon repas sous le regard bienveillant et enjoué des maitresses de maison, mais aussi d’une distribution de livres pour enfants via les grands-mères (pour qu’il y ait partage des livres équitablement entre les enfants du bled).
C’est parti pour une session de lecture, les petits penchés sur l’épaule des plus grands qui peuvent lire. Aller, c’est pas tout ça mais on va pas non plus s’acharner : on rentre sur Battambang prendre une bonne douche!
Le soir on assiste à la première du deuxième spectacle de la compagnie de cirque “Phare Ponleu Seloak”, compagnie recueillant les enfants des rues et leur offrant cette possibilité de formation artistique. On s’attendait à un cirque nouveau intéressant du point de vue social mais on vous assure que cet aspect caritatif disparait très vite et laisse la priorité à l’enchantement, la grâce, l’humour et le respect devant tant de talent de la part de ces jeunes qu‘on ne voit plus comme des gamins mais bien comme des artistes.
Le thème de leur spectacle est le désir et la première scène donne tout de suite le la : les artistes se meuvent péniblement sous une moustiquaire géante, comme engourdis, pris au piège, ne parvenant pas à sortir de ce cocon, métaphore de la toile Khmer Rouge qui, telle une araignée, emprisonne et endort la population… Les scènes se succèdent mêlant humour et poésie. Voici un extrait du brio des artistes…


Battambang c’est fini : on prend le bateau pour Siem Reap, bateau qui emprunte les canaux parfois les plus étroits, tout le monde entassé sur le toit à profiter du paysage des villages flottants perdus au milieu de nulle part, des filets de pêche chinois, de paysages changeants et, dès 11h, de la température réchauffée!
Un itinéraire qu’on nous avait chaudement conseillé et qu’on a effectivement bien apprécié.

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