Le lendemain, on prépare notre équipement, car on doit investir dans des vêtements chauds et imperméables, de quoi dormir, des chaussures à louer pour moi et certainement de quoi se nourrir. Le parcours choisi est une autoroute de la rando appelée “W”, dû à sa forme de la même lettre. Parcours sur 5 jours, qui visiblement va se faire dans des conditions peu ensoleillées. A l’auberge, un couple de hollandais en revient et visiblement ils sont ravis, mais chanceux d’avoir eu du soleil. Mais à la veille de notre départ, des Français reviennent après 5 jours dont les 2 derniers sous la pluie : ça s’annonce pas mal là! Ok c’est noté, on a bien fait d’acheter des vêtements de pluie, nous reste plus qu’à aller acheter à manger, mais quoi? Au début pour une question de poids, les céréales semblaient appropriées, mais vu les conditions, on tend plutôt vers une bouffe chaude. Heureusement, au supermarché mon œil de renard réussi à débusquer un couple parlant notre langue, visiblement en train de faire ses courses pour la même folie “randonnesque”. Affublé d’un bonnet péruvien dans le magasin, pendant que sa copine essaie vainement de lui faire acheter un pot de Nutella (comme une nana : genre “oh t‘as vu?! même ici ils ont du Nutella, c‘est incroyable! On pourrait l‘essayer non?”), je me dis que ce couple de francophone à l’air d’être en sérieuse préparation, au vu de leur professionnalisme.
- “Bonjour, je vois que vous êtes Français. Vous faites le W?” demandais-je naïvement.
- “Non on est Belge” que le gars me répond, pour un peu il aurait rajouter qu’il s’apprêtait à faire un tennis, que ca n’aurait pas été moins direct.
Je vois que j’ai tiré le gros lot avec des Belges (en tant que bon Français!), néanmoins souriants et très sympathiques, car ils nous ont donné de précieux renseignements de pro. Peut-être les reverrons-nous le lendemain. En tout cas merci bien!
De retour à l’auberge, on prépare les sacs et on s’installe pour un repas de pâtes, histoire de faire le plein d’énergie et de profiter de la chaleur de la cuisine. Mais c’était sans compter sur l’irruption, au début de l’assiette d’un monsieur d’une petite soixantaine d’années, venu nous faire la discussion, et quel échange. Au bout de 5 minutes, il avait réussi à nous emmener dans un “débat” sur l’esclavage dans le monde. Enfin quand je dis débat… Je me dois de vous présenter ce qui c’est passé.
Ce monsieur, ancien professeur d’anglais et de français, ayant enseigné durant une 15aine d’années en Asie, suscite notre interrogation lorsqu’il nous dit que pour y avoir été, il n’y a pas de dictature en Birmanie et que le régime ne semble pas répressif. On a pas fait le même pays mon gars qu’on se dit!! Mais ce n’est rien à coté du discours raciste qu’il nous tiendra par la suite.
Petit résumé de discussion:
-“Si l’on veut vraiment être honnête : savez-vous d’où vient le mot slave (en Anglais)? Des pays slaves, car ils ont été les premiers à être et faire des esclaves, donc les Noirs et les pays du tiers monde n‘ont pas l’exclusivité de cela. Les Blancs ont beaucoup souffert de l’esclavagisme et en plus ils ont été les premiers à le subir. Statistiquement il y a eu plus d’esclaves morts Blancs que de Noirs!”
- “Oui mais quand même il y a eu l’exploitation du continent africain pendant le commerce triangulaire .” On se dit qu’on a du mal comprendre…
- “Avant l’arrivée des Blancs il y a avait déjà des esclaves, car les Africains vendaient déjà des Africains (on imagine qu’il parlait des prisonniers lors de conflits de tribus). Et aux Etats- Unis, il y a eu plus d’esclaves Blancs que Noirs, comme par exemple dans les champs de cotons, sauf que les Noirs ne font que se plaindre jusqu’à aujourd’hui de cela. Alors que les pauvres Blancs ont travaillé plus durs et ont su relever la tête”
- “Oula! Mais quand même toute la traite négrière les morts pendant la traversée vers le continent américain et toute cette population déracinée”.
- “Alors il faut être honnête. Qui met en place tout cela et en sort gagnant. Ce sont les Noirs eux-mêmes!”
- “$#*^@%#*??!!?!? Alors là chapeau l’artiste..?!”
- “Ce sont bien les Noirs qui ont vendu les Noirs et qui exploitent leur propre peuple à leur propre profit! AH, AH, AH!! Le problème en Afrique ce sont les Africains!"
- “Disons qu’il y a la participation et la mise en place de ce type de système, qui perdure encore maintenant avec l’exploitation des ressources du continent Africain. Mais c’est grâce essentiellement aux occidentaux. Et ce sont ces derniers qui en tirent profit pour 99%. Les 1% qui reste revenant aux notables et dirigeants Africains (placés et éduqués par les pays industrialisés et/ou détenteurs des anciennes colonies : pays d’Europe, Etats-Unis, Russie, Chine)"
- “mais ce n’est pas vrai, 90% des africains mangent à leur faim!”
C’est à ce moment, que j’aurais pu dire que la marmotte met le chocolat dans l’alu (l’hallu!). Mais Aude remettra le contenu de son assiette dans la gamelle, marquant ainsi la fin de la discussion.
De toute façon, il doit pas avoir totalement tort, puisque le président des Etats-Unis n’est-il pas Noir? Comme quoi, il ne faut pas se tromper sur cette race qui arrive à gouverner le pays le plus riche du monde! Et le premier vendeur de riz n’est-il pas Oncle Ben’s, encore un Noir! Alors la famine…
Alors la question c’est : Qu’est-ce que ce monsieur a enseigné à ses élèves en Asie (en Nazi?)? Quel genre de contact avait-il pendant toutes ces années avec la population asiatique (il aurait certainement eu sa place à Sihanoukville ou à Bangkok)? Quelles valeurs a-t-il enseignées au point d’être négationniste et d’avoir aussi peu de considération pour des gens qu’il classe en races?
Difficile de poser des questions, tant son discours est rempli de véritables tics d’excitation incontrôlables?
Insupportable pour nous, pourquoi l’ai-je laissé débiter autant de conneries en ne m’imposant pas plus? Parce que un mec comme ça à toujours “la” bonne parole qu’il ne changera jamais. Mais j’ai été extrêmement curieux de pouvoir entendre un discours aussi navrant et stupide, qui tient la route dans son cheminement. Comme quoi la mauvaise foi, la bêtise et la méchanceté autant que le racisme et l’intolérance peuvent être raisonnés, construits et certainement très dangereux…
Et oui, il y a encore des gens comme ça, j’en ai rencontrés en vrai et c’est abominable.
Le lendemain matin, on prend notre bus avec 2 gros sacs, un contenant 2 duvets et l’autre, le mien, le reste. Dans le bus, on salut nos amis Belges et somnolons durant les 3 heures de trajet jusqu’à l’entrée du parc.
C’est avec les nuages que nous sommes accueillis avec des prévisions de pluie, de vents d’environs 90 km/h pour les 3 prochains jours! Waouh super on va vraiment se régaler alors! En fait, on va faire ce parcours de l’ouest vers l’est pour avoir le vent dans le dos et commencer par une traversée en bateau, histoire de pas marcher durant 6 heures comme des cons sous la pluie. L’occasion de faire plus ample connaissance avec notre coule Belge favori, Sarah et Olivier ainsi que de Pierre, venu de France pour 3 mois en Amérique du sud depuis la pointe, jusqu’au nord du Chili. Durant la traversée, les premières conneries fusent, alors que le ciel ouvre quelques fenêtres, laissant passer les rayons du soleil sur les eaux du lac, d’un surprenant bleu azur.
Du coup, on part vers le glacier Grey en petit groupe de 4, Pierre partant devant. Mais après une bonne demi-heure la pause déjeuner est sonnée. Nous, on était sans problème, mais Sarah et Olivier commençaient à fatiguer, au bord de l’hypoglycémie, tirant la langue (je peux raconter ce que je veux, même les pires mensonges, c’est notre blog!!). Ah le plaisir de manger un bon sandwich au thon/mayo/œuf/avocat entre 2 tranches de pain de mie, tout aussi énergique que les bonnes saucisses Herta de nos amis!
On repart et arrivons au bord du lac formé par la fonte du glacier, baignant quelques kilomètres plus loin. C’est un superbe spectacle que nous découvrons, avec des morceaux de glace flottant et le glacier au loin dépassant par plusieurs langues bleues dans le fond.
Après un début bordé par les falaises de montagne, on est à découvert et en plein vent. Autant dire que si tu as pas ton sac sur le dos, presque tu t’envoles! Entre forêt de pins, falaise de montagne et glacier dans le fond, on se régale, malgré les picotements sur le visage de petites gouttes.
Après nos 6 heures de marche, où nous avons pu voir le glacier grossir, on est contents d’arriver au camp. Enfin, c’est un espace défriché, où il y a un cabanon que tu n’approches pas étant donné l’odeur qui s’en dégage. On plante la tente à la manière d’Ikea (“mais à quoi sert cet arceau qui me reste dans la main alors que la tente est montée?”). Ca fait du bien d’être arriver et de pouvoir observer cette étendue d’eau gelée, que l’on entend craquer et dont parfois un bruit plus important s’échappe, sans doute un peu de glace qui tombe (De quoi alimenter tous les pastis de Marseille pour le mois!). Après la marche, il est temps de manger et au vu de la fraîche température on opte pour chauffer de l’eau de la rivière avec notre réchaud de poche, en mélangeant de la soupe et des nouilles en sachet. On est vraiment des rigolos à coté d’un groupe d’Israéliens qui vont s’afférer à faire un repas au petits oignons en épluchant carottes avec un supplément purée, noix de muscade, accompagné de riz… Il en font un peu trop là, non? La prière et une photo où il ne faut pas sourire plus tard, on fait la vaisselle. Nos amis Belges seront tout aussi héroïques, enfin surtout Olivier qui réussira à fabriquer une bouillotte maison au péril de sa vie pour sa dulcinée, mes respectueuses salutations (enfin t’aurais dû cuire de l’eau en quantité dès le début! lol). Au final première journée facile! Et les ampoules que j’ai sur chaque talon me font même pas mal, de toute façon je voulais pas enlever mes chaussettes pour dormir.
Le lendemain, réveil à la William avec un petit chocolat/thé/biscuits et nous voila repartis en sens inverse du sentier de la veille, ma douleur aux pieds en plus. Ca y est, je commence à avoir une démarche d’handicapé et je comprends que le W va se finir en un simple I. De toute façon j’aime pas les chiffres et les lettres!! Aude descend avec moi pendant que notre petit groupe part devant. A l’arrivée, on apprendra que ce n’est pas un, mais 2 camps qui sont fermés et qu’il semblerait que l’un des cours d’eau nécessite une traversée avec de l’eau jusqu’a la taille. Au cas où j’aurais eu un doute, on va reprendre le bateau pour repartir au bus. Bravo le trek de 5 jours en 2! Petit soulagement, Sarah et Olivier repartiront avec nous pendant que Pierre continuera avec tous nos encouragements, matérialisés par nos saucisses qui partiront avec lui.
Expérience loupée de balade, douleur aux pieds ; dommage, on n’a pas vu les Torres, spectacle à voir mais pas pour nous. Cependant, grand plaisir d’avoir pu observer le glacier et heureux d’avoir fait la rencontre de Belges aussi courageux que sympathiques.
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