Nous avons quitté Sucre en taxi, préférant aux 4 heures de bus les 2 petites heures en compagnie de Pascual et de sa femme (le taxi était partagé). En gros, 2 heures d’échange détendu, de bonne humeur sur fond musical à fond les ballons et 2 heures de partage de tout ce qu’ils avaient sous la main : feuilles de coca, empanadas, whisky, fromage… On a même pu admirer le pont de l’ancienne mine espagnole, l’occasion d’une petite photo :
A l’arrivée à Potosi et après avoir remercié chaleureusement le couple pour leur gentillesse et leur générosité, on prend nos quartiers dans une guest et on part dans la ville. Celle-ci était, du temps de l’extraction massive d’argent depuis son “Cerro Rico”, la ville la plus riche du pays, même donnée pour être la plus riche d’Amérique Latine. Il paraît même que ses rues étaient pavées d’argent… Et ce que l’on voit aujourd’hui, c’est effectivement une très jolie ville aux magnifiques bâtiments coloniaux et aux maisons serrées.
Le lendemain, donc, on retourne à la Casa de la Moneda, le musée qui retrace l’histoire de la monnaie, anciennement fabriquée ici. Les bâtiments qui hébergent les collections sont magnifiques par leur taille, immense, et leur architecture, les corps du bâtiment étant organisés autour de deux patios successifs. Nous rejoignons une visite guidée qui commence par quelques tableaux d’artistes locaux. Ici, pas de talentueux génies mais plutôt une série de peintres anonymes travaillant exclusivement sur imitation des toiles de petits artistes venues d’Europe. Pas de courant local donc, si ce n’est une œuvre célèbre au moins ici d’un indigène. Celle-ci représente le Cerro Rico de Potosi et la ville qui s’étend à ses pieds, agrémenté des personnages importants de l’époque. En bas, pour satisfaire la mégalomanie des Colons de l’époque, les figures hiérarchiques de la couronne d’Espagne ; au centre, au sein du Cerro, la Vierge Marie ; au-dessus d’elle les figures Chrétienne (le père, le fils et ses petits amis). Mais à y regarder de plus près, l’auteur a rajouté toute la symbolique andine. Le corps de la Vierge Marie est la montagne en elle-même, représentant alors la Pachamama, la Terre Mère, source de fécondité et de protection pour qui la respecte mais qui contient également son coté obscur terrifiant. De part et d’autre du Cerro on aperçoit aussi le soleil et la lune qui protègent la Pachamama. En bas figure parmi les célébrités européennes le roi des Incas. Mais surtout au centre est représenté Diego Huallpa. La légende veut qu’en 1544 il ait égaré les lamas qu’ils faisaient paître. Les cherchant jusqu’à la nuit, il aurait fait un feu pour se protéger du froid et aurait ainsi découvert l’argent que recelait le Cerro. Une voix lui aurait alors indiqué que l’argent n’était pas pour son peuple mais pour des hommes qui arriveraient par la mer… Les Espagnols… Qu’est-ce qu’on apprend avec un tableau, pas vrai!
La visite du musée se poursuit et nous entrons dans le vif du sujet : l’argent. Les différentes vitrines présentent l’évolution de la monnaie. D’abord reals de la couronne d’Espagne, les pièces étaient à l’origine taillées à la main, d’une forme ronde irrégulière, et totalement faite d’argent. Mais les pièces étaient rognées pour récupérer l’argent. On a donc façonné les pièces à la machine pour leur donner une forme parfaite, et on a diminué à 95% la quantité d’argent pour rendre les pièces plus rigides. Celles-ci, devenues sueldos en 1827, sont ainsi fabriqués ici jusqu’en 1951 à Potosi. Depuis, la monnaie Bolivienne est fabriquée en Europe pour les pièces et en France pour les billets.
Une dernière anecdote? Un bateau rempli d’argent à l’époque où les lingots de Potosi partaient pour l’Espagne et victime d’une tempête il y a 200 ans a été écumé des eaux par un groupe de chercheurs États-Uniens. La totalité de sa cargaison a été retrouvée et… figure maintenant dans un musée des États-Unis!! Au total l’équivalant de 400 millions de dollars confisqués par ce pays! Pas mal la vie!! Mais non, rassurez-vous, ils ont quand même donné 3 pièces à la Bolivie!!
Aller, la visite du musée c’est fini, on file au marché pour manger, puis on se balade dans la ville, sortant du centre historique pour gagner les hauts quartiers populaires et leur vue sur la ville, le soleil couchant dorant de cuivre les façades des maisons…
Au troisième jour, après un changement de guest (si vous allez à Potosi, préférez la Maria Victoria à la compania de Jesus…), nous partons pour l’aventure minière.
Très impliquée socialement, Helen nous explique comme la découverte de l’argent dans le Cerro de Potosi peut représenter une malédiction pour tous les hommes qui sont morts d’épuisement ou d’accident dans les conditions inhumaines de la mine. Pas moins de 8 millions d’indigènes seraient morts pour son exploitation ainsi que les pauvres 30 000 Noirs venus d‘Afrique et qui n‘ont, bien sûr, pas supporté ni l’altitude, ni les conditions climatiques, ni les conditions de travail imposées… Le ton est donné, il ne reste plus qu’à vêtir les vêtements et casques de mineurs et nous rentrons dans l’antre du Cerro. Pas moins de 2500 mineurs travaillent dans les 875 mines du Cerro, reparties en coopératives, pour gagner entre 400 et 500 bolivianos par mois, soit environ 50 euros... A titre indicatif, un repas sur le marché coûte déjà entre 5 et 10 bolivianos ; à 2 repas par jour, le mineur dispose donc de 32 jours de nourriture par personne au marché… Ca fait mal, les chiffres.. Et il y en a d’autres : 42, c’est le nombre de morts en 2008, mais aussi le nombre d’associations humanitaires, drôle de coïncidence… Et quand on dit 42 morts, c’est sans compter sur tous les travailleurs clandestins qui, attirés par la croyance de l’argent facile, entrent dans l’une des 521 entrées de mines pour en gagner les profondeurs et meurent dans l’anonymat… Potosi, c’est germinal en 2009...
Nous entrons donc dans l’étroitesse terrifiante de la mine, à la rencontre de ses mineurs. Helen veille, facilite la communication et rend possible le dialogue avec les mineurs.
L’homme souffle. Il a 53 ans, est atteint d’un cancer du poumon au stade 2, mais continue à travailler. Pim hhhhhhhhhe pim hhhhhhhhhhhhe pim. La masse tape la tige métallique que la main fait tourner pour ne pas qu’elle reste enfoncée dans son trou. Il a suivi la veine d’argent et prépare le trou qui recevra la dynamite.
- “Combien de temps faut-il pour faire un trou?”
L’homme s’arrête, reprend son souffle. C’est qu’on est à 4000 mètres d’altitude et que, rajouté à étroitesse des couloirs, l’oxygène se fait rare pour ses poumons malades.
- “Une demi-heure”
- “Vous aviez quel âge quand vous avez commencé votre travail à la mine?”
- “15 ans. Il faut que je travaille encore au moins 2 ans.”
Alors on s’interroge. Pourquoi cet homme, qui travaille depuis 38 déjà dans ces conditions précaires, très malade, ne s’arrête-t-il pas enfin de travailler? Helen nous regarde puis ses yeux se perdent dans le sol.
“Lamentablement, la loi indique que c’est au stade 3 de la maladie que l’on s’arrête de travailler. Et puis il faut avoir rempli un certain quota pour avoir sa retraite…”
Ah c’est donc ça… Si tu n’as pas sué assez pour la coopérative, elle ne te reverse pas de pension… Dans ces conditions, malade ou pas, tu continues… Et puis de toute façon, tant que tu n’as pas atteint le stade 3 de la maladie tu n’arrêtes pas, hein?
Ca fait drôle de voir ces hommes, jeunes et vieux, travailler. Plus loin ce sont 2 frères de 18 et 20 qui piochent.
On a 10 ans de plus qu’eux et on “fait la visite” de leur lieu de travail forcené. Comment, malgré la petite taille de notre groupe, ne pas se sentir visiteurs d’un zoo. Le malaise grandit au fur et à mesure que les histoires de vie se racontent. Selon Helen, les touristes apportent réconfort et nourriture, et ça, c’est toujours mieux que rien. Derrière se cache sans doute l’espoir que les voyageurs dénoncent l’injustice des mines et que les conditions des mineurs changent mais franchement, qu’est-ce que Bob l’Eponge et son appareil photo dernier cri va apporter à ses gens, lui qui trouve “bien” d’acheter de la dynamite aux mineurs parce que ça coûte cher mais qui ne voit même pas le paradoxe quand il dit aussi que c’est “fun” que le mineur la fasse exploser dehors parce qu’à la fin du tour il en restait une non distribuée…?
En 2003, un homme s’est fait sauter à l’aide d’une dynamite accrochée à la ceinture devant le gouvernement, acte fort cherchant à dénoncer les conditions de travail des mineurs. Qui s’en soucie? Evo Morales, le premier président indigène de toute l’histoire de la Bolivie, a dû lutter des années pour faire passer sa nouvelle constitution dans laquelle on reconnaît enfin que chaque Bolivien a le droit à l’auto identification et que la discrimination raciale est punie par la loi. Tout ne peut pas changer en même temps. Et on n’arrête pas l’économie… Les salaires des mineurs, proportionnels à la quantité de minéraux extraite, sont indexés sur le cours mondial de l’argent. Mais cette indexation est fixée par les entreprises sans contrôle de l’Etat.
Un casque mais aucun filtre ni lunettes.
Comment trouve-t-on les veines? A l’intuition des plus anciens. Comment sait-on où faire sauter la dynamite? A l’intuition des anciens. Comment sait-on où est l’abri le plus sûr pour se protéger lors de l’explosion de la dynamite? A l’intuition des anciens. … Oui, mais avec quelles certitudes sait-on où il n’y a pas le gaz qui tue en 3 minutes en paralysant vos membres et en vous étouffant, vous condamnant à une mort certes rapide mais tellement douloureuse? Comment sait-on avec certitude que personne ne se trouve en dessous ou à coté de l’endroit où on fait exploser la dynamite? Comment sait-on avec certitude que l’abri de roche que l’on a choisi pour se protéger de l’explosion n’est pas un tas de rochers friables?
Les regards se perdent, le sourire s’efface. Puis le visage las et résigné répond : “on ne SAIT pas”.
Dans ces conditions, c’est le Tio qui veille sur les mineurs. Adulé dans chaque mine, le Tio est une représentation à la fois d’une face de diable version andine, et à la fois il est vénéré pour être le Dieu protecteur des mineurs.
En 2003, un homme s’est fait sauter à l’aide d’une dynamite accrochée à la ceinture devant le gouvernement, acte fort cherchant à dénoncer les conditions de travail des mineurs. Qui s’en soucie? Evo Morales, le premier président indigène de toute l’histoire de la Bolivie, a dû lutter des années pour faire passer sa nouvelle constitution dans laquelle on reconnaît enfin que chaque Bolivien a le droit à l’auto identification et que la discrimination raciale est punie par la loi. Tout ne peut pas changer en même temps. Et on n’arrête pas l’économie… Les salaires des mineurs, proportionnels à la quantité de minéraux extraite, sont indexés sur le cours mondial de l’argent. Mais cette indexation est fixée par les entreprises sans contrôle de l’Etat.
Un casque mais aucun filtre ni lunettes.
Comment trouve-t-on les veines? A l’intuition des plus anciens. Comment sait-on où faire sauter la dynamite? A l’intuition des anciens. Comment sait-on où est l’abri le plus sûr pour se protéger lors de l’explosion de la dynamite? A l’intuition des anciens. … Oui, mais avec quelles certitudes sait-on où il n’y a pas le gaz qui tue en 3 minutes en paralysant vos membres et en vous étouffant, vous condamnant à une mort certes rapide mais tellement douloureuse? Comment sait-on avec certitude que personne ne se trouve en dessous ou à coté de l’endroit où on fait exploser la dynamite? Comment sait-on avec certitude que l’abri de roche que l’on a choisi pour se protéger de l’explosion n’est pas un tas de rochers friables?
Les regards se perdent, le sourire s’efface. Puis le visage las et résigné répond : “on ne SAIT pas”.
Dans ces conditions, c’est le Tio qui veille sur les mineurs. Adulé dans chaque mine, le Tio est une représentation à la fois d’une face de diable version andine, et à la fois il est vénéré pour être le Dieu protecteur des mineurs.
La Pachamama, la Terre Mere est aussi présente dans la mine
Pourtant, le Tio est un “faux Dieu” instauré à l’époque par les colons qui, ne pouvant pas supporter les conditions qu’ils faisaient endurer aux mineurs, cherchaient un moyen de contrôler leur travail. Ils ont donc inventé ce dieu, répandant la croyance selon laquelle le Tio s’en prendrait à tout mauvais mineur… Elégante manipulation…
Au sortir de la mine on en a plein les narines, plein les poumons et plein les yeux. La poussière, l’étroitesse des couloirs, la rareté de l’oxygène, l’obscurité. Mais surtout la misère de ces gens. Faire des études, pourquoi pas devenir guide, s’en sortir. Helen interpelle les jeunes dans la mine et les enfants qui, avant ou après l’école, poussent des brouettes dehors. “Tu vas bien à l’école, hein?” La mine n’est pas la vie ; c’est un petit enfer que l’on a visité.
Il doit pourtant bien y’en avoir qui s’en mettent plein les fouilles. Avant Morales, quand l’Etat a privatisé les mines, il a fait un énorme profit qui n’a profité qu’à lui-même. Aujourd’hui, si le cours de l’argent évolue, ce n’est jamais qu’une petite augmentation au kilo de minéral qui arrive jusqu’au mineur, alors que d’autres se remplissent les poches. Il n’y a pas de petits profits et c’est avec le dos et les poumons des mineurs que les fortunes se construisent.
La visite de la mine ronge et mine. La mine vous garde en elle bien après en être sorti. Les visages des mineurs, ou plutôt le point éblouissant de leur lampe dans l’obscurité reste comme la marque du soleil regardé trop longtemps sur la rétine de notre mémoire.
Nous mangeons avec Alice au marché, profitant de sa fraicheur pour nous distraire de cette misère. Mais il nous faut y retourner. Nous dévalisons les pharmacies en collyre pour les yeux, refaisons le plein de pommes et oranges, et nous remontons, seuls et en bus cette fois, à la rencontre des mineurs.
C’est bien de donner aux mineurs, mais les tours passant toujours par les mêmes couloirs des mêmes mines, ce sont toujours les mêmes qui profitent de l’argent des touristes pendant que d’autres triment dans l’ombre 50 mètres plus haut. La montagne, véritable fourmilière, est décomposée en 3 niveaux distants chacun de 90 mètres. Son exploitation est telle que le sommet a déjà perdu 300 mètres de dénivelé… Alors on monte un peu plus haut. Une femme est assise sur le bord du chemin. Les femmes minières sont peu dans la mine. Elles ont plus l’habitude d’être les petites mains qui trient les minéraux de la roche à la sortie de la mine.
- “Souffrez-vous des yeux?”
- “Oui, beaucoup”
On explique : 1 à 2 gouttes dans chaque œil à la sortie de la mine pour le nettoyer. Il faudra partager le flacon parce qu’il va se périmer en une semaine rajoute-t-on. On voudrait que ça profite au plus grand nombre.
La femme, visiblement intéressée par le produit, nous demande si ça convient à des enfants. C’est gagné. Puis :
- “Ca coûte combien?”
On ne s’y attendait pas à celle-là. Nous découvrons que le collyre est un produit tellement utile que cette femme, qui n’en connaissait sans doute pas l’existence quelques minutes plus tôt, serait prête à sacrifier une partie de son maigre salaire pour s’en procurer pour elle et sa famille.
- “C’est un cadeau madame. C’est pour vous, votre famille et vos compagnons de travail.”
Nous continuons notre ascension du Cerro
Au sortir de la mine on en a plein les narines, plein les poumons et plein les yeux. La poussière, l’étroitesse des couloirs, la rareté de l’oxygène, l’obscurité. Mais surtout la misère de ces gens. Faire des études, pourquoi pas devenir guide, s’en sortir. Helen interpelle les jeunes dans la mine et les enfants qui, avant ou après l’école, poussent des brouettes dehors. “Tu vas bien à l’école, hein?” La mine n’est pas la vie ; c’est un petit enfer que l’on a visité.
Il doit pourtant bien y’en avoir qui s’en mettent plein les fouilles. Avant Morales, quand l’Etat a privatisé les mines, il a fait un énorme profit qui n’a profité qu’à lui-même. Aujourd’hui, si le cours de l’argent évolue, ce n’est jamais qu’une petite augmentation au kilo de minéral qui arrive jusqu’au mineur, alors que d’autres se remplissent les poches. Il n’y a pas de petits profits et c’est avec le dos et les poumons des mineurs que les fortunes se construisent.
La visite de la mine ronge et mine. La mine vous garde en elle bien après en être sorti. Les visages des mineurs, ou plutôt le point éblouissant de leur lampe dans l’obscurité reste comme la marque du soleil regardé trop longtemps sur la rétine de notre mémoire.
Nous mangeons avec Alice au marché, profitant de sa fraicheur pour nous distraire de cette misère. Mais il nous faut y retourner. Nous dévalisons les pharmacies en collyre pour les yeux, refaisons le plein de pommes et oranges, et nous remontons, seuls et en bus cette fois, à la rencontre des mineurs.
C’est bien de donner aux mineurs, mais les tours passant toujours par les mêmes couloirs des mêmes mines, ce sont toujours les mêmes qui profitent de l’argent des touristes pendant que d’autres triment dans l’ombre 50 mètres plus haut. La montagne, véritable fourmilière, est décomposée en 3 niveaux distants chacun de 90 mètres. Son exploitation est telle que le sommet a déjà perdu 300 mètres de dénivelé… Alors on monte un peu plus haut. Une femme est assise sur le bord du chemin. Les femmes minières sont peu dans la mine. Elles ont plus l’habitude d’être les petites mains qui trient les minéraux de la roche à la sortie de la mine.
- “Souffrez-vous des yeux?”
- “Oui, beaucoup”
On explique : 1 à 2 gouttes dans chaque œil à la sortie de la mine pour le nettoyer. Il faudra partager le flacon parce qu’il va se périmer en une semaine rajoute-t-on. On voudrait que ça profite au plus grand nombre.
La femme, visiblement intéressée par le produit, nous demande si ça convient à des enfants. C’est gagné. Puis :
- “Ca coûte combien?”
On ne s’y attendait pas à celle-là. Nous découvrons que le collyre est un produit tellement utile que cette femme, qui n’en connaissait sans doute pas l’existence quelques minutes plus tôt, serait prête à sacrifier une partie de son maigre salaire pour s’en procurer pour elle et sa famille.
- “C’est un cadeau madame. C’est pour vous, votre famille et vos compagnons de travail.”
Nous continuons notre ascension du Cerro
Ici la vue du Cerro sur la ville de Potosi
et débouchons sur ce qui a sans doute été le moment le plus fort de notre découverte de l’enfer de la mine.
Ici les hommes sont des bêtes de somme. Quelle est la différence entre un âne et un homme dans la mine? Les mains sans doute. Nous sommes scandalisés.
- “Souffrez-vous des yeux?”
- “Oui, beaucoup”
La même histoire, la même souffrance, le même malheur. On sort le précieux flacon du sac et on réexplique, démonstration à l’appui. Les visages sombres de poussière et durs des mineurs laissent place à de petits enfants écoutant la maitresse. C’est important ce qui se passe-là.
Mais très vite, d’autres mineurs sortent de la mine, tirant et poussant leur wagonnet rempli. Certains s’approchent : “de la coca. Des cigarettes”. L’autre facette de la pièce de monnaie ; les mineurs nous sautent dessus à nouveau comme des animaux pour réclamer ce qu’on leur a déjà apporté. Coca, cigarettes. Ils regardent attentivement le gros sac que porte Matthieu et certains enchainent “des fruits”. On n’est pas des bêtes, on n’est pas non plus venus lancer des cacahouètes à des singes. La comparaison avec l’animal est terrible et le malaise nous gagne. Serions-nous venus là en quête de remerciement et de gratitude? Certainement notre action n’est pas gratuite mais tout au moins elle ne se contentera pas de jeter des présents à des hommes devenus bestiaux se précipitant vers la source et prêts à voler à celui qui était son compagnon de mine 2 minutes plus tôt pour en avoir pour lui tout seul. Non, là n’est pas l’esprit.
On repart bousculés par ce qui vient de se passer. Le jour tombe, un groupe répare une canalisation cassée. La canalisation apporte de l’air de dehors dans la mine. Sans elle, pas de travail. Sans travail, pas d’argent. Ils s’y mettent donc tous pour la réparer. Quand on arrive, même refrain. Le leader de la bande nous demande de la coca, des fruits. On attend, on regarde. Notre présence devient finalement transparente. Foutue canalisation à réparer.
- “Souffrez-vous des yeux?”
Encore une fois le caïd du groupe redevenu enfant nous demande le prix du collyre. On leur offre l’avant-dernier collyre.
Le ciel se fait sombre. En descendant on rencontre une femme, travaillant à la garderie de la mine, accompagnée de 2 fillettes et 3 enfants en bas-âge. Le dernier collyre qui nous reste convient aux enfants. Oui les enfants des mineurs ont les yeux rouges quand ils arrivent à la crèche. On confie donc notre dernier flacon à celle qui devient nos yeux pour sortir de la montagne en pleine pénombre.
- “Souffrez-vous des yeux?”
- “Oui, beaucoup”
La même histoire, la même souffrance, le même malheur. On sort le précieux flacon du sac et on réexplique, démonstration à l’appui. Les visages sombres de poussière et durs des mineurs laissent place à de petits enfants écoutant la maitresse. C’est important ce qui se passe-là.
Mais très vite, d’autres mineurs sortent de la mine, tirant et poussant leur wagonnet rempli. Certains s’approchent : “de la coca. Des cigarettes”. L’autre facette de la pièce de monnaie ; les mineurs nous sautent dessus à nouveau comme des animaux pour réclamer ce qu’on leur a déjà apporté. Coca, cigarettes. Ils regardent attentivement le gros sac que porte Matthieu et certains enchainent “des fruits”. On n’est pas des bêtes, on n’est pas non plus venus lancer des cacahouètes à des singes. La comparaison avec l’animal est terrible et le malaise nous gagne. Serions-nous venus là en quête de remerciement et de gratitude? Certainement notre action n’est pas gratuite mais tout au moins elle ne se contentera pas de jeter des présents à des hommes devenus bestiaux se précipitant vers la source et prêts à voler à celui qui était son compagnon de mine 2 minutes plus tôt pour en avoir pour lui tout seul. Non, là n’est pas l’esprit.
On repart bousculés par ce qui vient de se passer. Le jour tombe, un groupe répare une canalisation cassée. La canalisation apporte de l’air de dehors dans la mine. Sans elle, pas de travail. Sans travail, pas d’argent. Ils s’y mettent donc tous pour la réparer. Quand on arrive, même refrain. Le leader de la bande nous demande de la coca, des fruits. On attend, on regarde. Notre présence devient finalement transparente. Foutue canalisation à réparer.
- “Souffrez-vous des yeux?”
Encore une fois le caïd du groupe redevenu enfant nous demande le prix du collyre. On leur offre l’avant-dernier collyre.
Le ciel se fait sombre. En descendant on rencontre une femme, travaillant à la garderie de la mine, accompagnée de 2 fillettes et 3 enfants en bas-âge. Le dernier collyre qui nous reste convient aux enfants. Oui les enfants des mineurs ont les yeux rouges quand ils arrivent à la crèche. On confie donc notre dernier flacon à celle qui devient nos yeux pour sortir de la montagne en pleine pénombre.
On passe encore un petit temps à Potosi avant de prendre le bus le lendemain pour Tupiza. Potosi, ses rues pavées, ses belles façades de maison, ses bâtiments coloniaux et son animation dans les rues,
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