mercredi 17 juin 2009

Bilan de Cuba

Cuba...

- En rencontre : ben oui, toujours les rencontres en premier, et autant dire qu’à Cuba, y’a des choses à dire… Après 2 semaines passées ici, nous en arrivons à la conclusion suivante : les Cubains pensent que tous les touristes ont de l’argent (“mais vous pouvez bien vous payer une chambre à 40$!” dédaigne l’infirmière en direction de Matthieu…) et surtout, surtout, les Cubains laissent régir toutes leurs relations aux touristes par l’argent. Du coup, ils sont menteurs, arnaqueurs, En gros, touriste = vache à lait = sourire et gentillesse pour extirper le plus de maille possible du pigeon = mais quelle horreur. Le hic? C’est que énormément de Cubains se comportent comme ça, et pas seulement ceux en contact direct avec les touristes (casas particulares, restaus, transport), comme nous avons pu le voir à tant de reprises… Pourtant, nous pensions vraiment que la salsa allait nous ouvrir des portes, mais à part les portes des chambres, chiottes, voitures et autres portes cochères où j’ai été invitée… Rien.
Heureusement, nous avons eu aussi de bonnes surprises, comme David et Lidia de La Havana, la famille à l’ananas près de Vinales, Amerys et Félix, mes parents de Playa Larga, et surtout, la famille de Dulce, adorables Cubains rencontrés sur un coup de cœur… pour une paire de chaussures! qui auront été jusqu’à venir me visiter à la clinique : simples, brillants, un vrai plaisir. Et nous parions que les Cubains, dans l’intimité ou entre eux, sont, à l’image de la courtoisie dont ils savent faire preuve, solidaires et attentionnés. Dommage que nous ne les ayons pas rencontrés davantage dans ces conditions…

- Sur la route : et justement, c’est sur la route que l’on observe le premier civisme de ce peuple : les clignotants!!! Le droit de passage du piéton!!! Le respect du code de la route!!! Incroyable! On avait presque oublié que ça existait! Quant aux transports locaux, pas un Cubain ne restera assis en présence d’une femme ou d’une personne âgée. Merci pour eux. Mais la route à Cuba ne serait pas ce qu’elle est sans la présence des bagnoles dont nous avons déjà parlé, transformant le bitume en pellicule de film poussiéreux. Cuba, ses américaines et son style suranné, prend toute sa saveur là, dans l’allure tranquille d’une Lada lancée à pleine vitesse (60km/h)…
Par contre, Cuba connait, à notre goût, un gros problème de transport tant les bus, trop irréguliers et rares pour accueillir la foule qui s’amasse sur les bas-côtés des routes, débordent de passagers, laissant toujours la moitié des Cubains en partance sur le carreau. Heureusement, ce n’est pas la lecture qui manque, et si l’embargo a préservé Cuba d’une des facettes de la société de consommation - la pub -, ce sont ici les panneaux de propagande qui ont loi, Révolution oblige…

- En paysages : des immeubles aux façades décrépies du vieux Havane à la campagne verdoyante et généreusement tropicale de la campagne en passant par les eaux turquoises de la côte, Cuba a tout à offrir au voyageur en quête d’exotisme. Et si notre déception de ne pas pouvoir quitter l’étiquette de “touriste” nous a un peu gâché le paysage, il faut bien reconnaitre que l’île est belle pour celui qui vient pour la regarder… Dommage pour nous!

- En nourriture : On nous avait dit, comme pour quasiment tous les pays de notre voyage, que la nourriture à Cuba n’était pas bonne et était affreusement peu diversifiée. Or, si le plat de base riz “congris” (préparé avec des grains noirs) - poulet ou porc est le seul plat en vente dans les petites échoppes de l’habitant, au menu des paladares (restaurant chez l’habitant) ou des restaurants, tout un choix de viandes, poissons et crustacés s’offrait à nous. Et j’aime autant vous dire que, oui, les Français avec notre Cuisine (tellement sacrée qu’on lui mettrait bien la majuscule), on a pris l’habitude d’être un peu difficiles à convaincre, nous pouvons apprécier à sa juste valeur la langouste à la sauce au vin blanc et à la tomate! 4 fois mon pote! Mum!

- En musique : et ben parlons-en, de la musique. Il parait qu’à Cuba, ce serait un affront de dire qu’on joue de la salsa, cette musique appartenant à la communauté cubaine et portoricaine de New-York, alors que la musique de Cuba est et doit rester de la “musique cubaine”. Alors nous avons entendu du son, oui, mais aussi des groupes célèbres aux oreilles des salseros comme Los Van Van ou encore Azucar Negra, bref, desoleee les Cubains, de la bonne salsa qui fait vibrer les pieds dans les chaussures! Malgré tout, nous avons été déçus du mauvais son qui rendait difficile l’appréciation des instruments dans la très célèbre “Casa de la musica” de La Havane (entrée 18 euros quand même…) et par l’ambiance “tiens, j’écoute un CD” de la salle qui n’applaudissait même pas à la fin des morceaux… Surtout, nous avons entendu au moins autant de reggaton, la boite à images pro-états-uniennes des Caraïbes, que la jeune génération comme les autres semblent maintenant préférer à sa concurrente latino. Déception du public!

- En danse : et la danse alors? Même tarif, même punition. Nous avons pu danser extrêmement peu de fois, tant la salsa était souvent alternée avec du reggaton et que l’ambiance nous a plus souvent incitée à rentrer chez nous qu’à participer au mouvement général. Oui parce que je n’ai pas mentionnée ici la cuban attitude. Ici, si la moitié de la population féminine était prostituée il y a 50 ans et que cette tendance est difficile à chasser encore aujourd’hui (énormément de jinteras, “hôtesses” de soirée officieuses), si les Cubains se targuent de leur liberté pourtant plus que conditionnelle quand on sait que rien ni personne ne rentre ou ne sort du pays, si l’on prend la mesure du capitalisme débridé dont font preuve les Cubains à l’égard du touriste alors que partout est vantée la gloire du communisme, bref si l’on considère certaines des Contradictions cubaines, on se demande bien sur quoi repose toute cette “fierté” cubaine, si proche du dédain ou du snobisme... Par contre, on ne se demandera pas sur quoi repose le machisme légendaire des Cubains, ni pourquoi le sport national semble être pour les hommes de “pêcher de la Blanche”. Jamais je n’ai eu tant la sensation que la danse était
- une excuse à drague lourde pour les hommes
- l’occasion de remuer, mais quand je dis remuer… pour les femmes

- En physique : Bon là par contre, j’avoue que, autant le concours de grosses miches et short-ceinture a filé de sacrées douleurs cervicales à Matthieu (et vous croyez vraiment que je vais le plaindre?!), autant de mon coté, c’est le regard transi que j’ai admiré… la force gracieuse des corps des danseurs? Car il est vrai que beaucoup de Cubains avaient les moyens de leur arrogance et qu’un sourire éclatant, un regard vert sur une peau mate ou encore la musculature saillante des Noirs, on avoue, on craque. Groar!

- En argent : ben c’est bien ça le problème, l’argent... Depuis 2004, Fidel la crée le CUC, le peso convertible, comprenez la monnaie pour touristes pour remplacer les dollars US (même conversion). Et si les Cubains utilisent le plus souvent leurs pesos cubains (25 pesos cubains pour 1 CUC), les produits “chers” se paient toujours en CUC. Rajoutez à cela la course aux devises des communo-capitalistes et ça y’est, tout rapport est modifié. Rien n’est gratuit, tout se monnaie, et au prix fort de préférence. Cuba devient une destination chère pour le touriste : 30,5 euros par personne et par jour, entre 15 et 25 CUC pour une chambre double, 3 CUC le petit dej par personne!, 12 CUC les 2h30 de bus et entre 4 et 8 CUC pour un plat au restau. Surtout, les touristes paient des prix de touristes : pas d’accès aux bus locaux, et comme pour les Cubains touriste = riche, chaque service est proposé à un prix aberrant. Le même plat, vendu au restau 4-5 CUC, est proposé dans la rue à 20-25 pesos cubains, soit 4 à 5 fois moins cher… Un trajet de 3h payé 7 pesos cubains avec le transport local est proposé à 100 CUC par une voiture particulière!!! 300 fois la mise!!!! Et après, on va nous dire que l’essence est chère, que les Cubains sont pauvres etc. Oui ils sont pauvres, mais jamais on n’aura tant entendu un peuple se plaindre de tout notre voyage, alors que eux disposent de la santé, de l’éducation, d’un logement s’ils n’en ont pas un et d’un minimum de nourriture. Alors nous sommes un peu durs sur la question, mais c’est que cette question financière est celle qui a rendu tellement difficile notre rapport avec les gens, modifiant la mentalité des Cubains et transformant le touriste en portefeuille ambulant… Quel dommage…

- En politique : la question qui nous intéressait beaucoup, forcement, avant et pendant notre séjour à Cuba, c’était de savoir comment les Cubains vivaient leur régime politique. Nous qui avons appris très tôt que les Méchants c’étaient les Vilains Cocos et que les Gentils c’étaient nous (ben oui, forcement), nous les pays riches qui veulent plus d’argent quitte à asservir les “petits pays”, nous avons reçu par l’école l’image d’un communisme dictatorial, prétextant une idéologie humaine au service des viles intérêts de ses despotes mégalomanes… Pourtant, visitant le pays, découvrant le système de santé, l’alphabétisation et d’éducation, découvrant que le carnet n’était pas un livret de rationnement mais plutôt un livret de délivrance des produits de base pour les familles pauvres ; pourtant, lisant l’histoire, découvrant que Castro était aussi Fidel à ses idées qu’à son peuple, préférant toujours les intérêts de la population aux avantages particuliers et se donnant sans cesse les moyens de réaliser et son ambition et ses principes moraux et idéologiques ; pourtant, discutant avec les gens, nous avons toujours entendu, sans langue de bois, les généreux remerciements d’une population. Certes, notre échantillon était pauvre et nous sommes conscients que d’autres échos doivent demander plus de liberté. Mais, pour notre part, nous avons trouvé que la politique de Castro, droite, claire et directe, a considérablement relevé le pays (autrefois bordel, hier glorieux, aujourd’hui en difficultés mais sans misère) tout en respectant la volonté révolutionnaire toujours active : restituer une politique à destination du peuple et non d’une poignée de nantis.

- En tout : Cuba, c’est la fin du voyage et c’est la désillusion. Il y avait l’image de Cuba : l’exotisme, les vieilles bagnoles, la salsa, la plage, l’ambiance Buena Vista et les cocktails. Et puis il y a eu notre séjour : rencontres difficiles, déception concernant la mentalité cubaine, pas le temps d’aller à la plage, peu de salsa, pas d’alcool pour moi, et surtout, cette fin de rêve de bébé… La conception mais aussi tout ce que nous avons aimé avait participé à dire : “la Bolivie, le pays qui vous réussit”. Très vite une autre expression est née, maintes fois confirmée : “Cuba, le pays qui vous réussit pas”. Et puis la quête de l’argent et cette impression de passer pour un blaireau souvent, ça nous a presque fait dire “Cuba, n’y allez pas”. Avis aux commentaires…

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