vendredi 1 mai 2009

La Paz

La Paz, c’est un peu le record du tour du monde : pour ma part, 14 jours dans la capitale, on n’aura jamais vu ça! En effet, nous avons pas mal arpenté la ville à deux et j’ai habité là tout le temps du trek improbable de Matthieu-Rahan!
Fondée en 1548 par Alonzo de Mendoza pour célébrer la fin des guerres civiles, la ville de La Paz est construite dans une cuvette, dominée par la ville d’Alto. C’est par là qu’on descend dans la capitale, offrant une vue spectaculaire sur les montagnes enneigées alentour (par exemple l’Illamani qui culmine à 6402 mètres…) et les habitations citadines. Perchée à 3660 mètres d’altitude, La Paz est aussi LA ville de la pollution.. En effet, si ses 1,5 millions d’habitants empruntent presque tous les minibus publiques (solution écologique du coup), le taux de pollution avoisine pourtant les 90% dans certaines rues tant l’expression “contrôle technique” est ici plus qu’un concept, un mythe. Les transports sont donc suivis de près par l’impressionnant nuage de fumée noire qui se dégage des deux pots d’échappement : un sur le coté et un derrière en cheminée…
Mais au-delà de ces aspects pragmatiques, La Paz, c’est aussi la capitale des musées puisque la capitale abrite une bonne dizaine de musées. Etape culturelle intéressante, nous avons donc rentabilisé le temps illimité passé ici pour nous intellectualiser un peu!!
Nous commençons nos visites par la rue des musées, rue qui abrite une série de 4 musées que l’on paie très peu cher (40 cts d’euros!) et qui abrite plusieurs petites expositions, idéal pour passer d’un sujet à l’autre sans se lasser. Nous découvrons ici le musée du littoral, exposant comment la Bolivie a perdu une partie de ses terres, l’isolant des côtes, lors de la guerre du Pacifique avec le Chili. En effet, avec la découverte des réserves naturelles en salitre du désert d’Atacama (autrefois bolivien), c’est un conflit d’intérêts terrible qui va opposer la Bolivie avec son voisin chilien. Depuis 1842, le Chili méconnait les frontières mais c’est quand la Bolivie impose une taxe sur l’exploitation des entreprises chiliennes sur son territoire que le 14/02/1879 le Chili envahit le littoral, déclarant officiellement la guerre à la Bolivie 2 semaines plus tard. Le Pérou est envahi aussi et les 3 pays entrent en guerre au 5 avril de la même année. Mais le Chili, profitant de son avance sur le terrain et ayant déjà armé la région, gagne la guerre en 1883. Au total, la Bolivie aura perdu dans l’affaire toute la province d’Atacama soit 480 km de côte, et le Pérou toute la province de Tarapaca. La guerre aura aussi provoqué moult divisions sociales au sein des pays vaincus et aura engendré la perte de 23 000 soldats aux pays.
Mais déjà on change de musée et nous voici dans le monde du Carnaval. Et si celui d’Oruro est célèbre dans tout le pays, il semble que le carnaval soit définitivement une véritable institution. Nous pouvons ici admirer plusieurs types de masques, tous très codés dans leur signification, et représentant souvent une satire de l’administration espagnole. Ainsi, le “moreno” est une satire des peuples Aymara (la 2e ethnie du pays après les Quechua) de La Paz contre les gens au pouvoir qui gouvernaient sans la participation des indigènes… On peut également lire la signification des danses associées aux masques, comme par exemple la “diablata”, danse très rependue qui met en scène la lutte entre le Bien et le Mal, le danseur mimant des rapts d’enfants! Enfin pas mal de masques revêtent des figures andines.
Mais ça y’est, une autre salle nous invite dans le monde des “Chola Pacena”, ces bourgeoises métissées d’origine Boliviennes, habillées élégamment à l’espagnole avec bottine et tout le tralala!. La Chola Pacena, victime de la discrimination, est le symbole de la résistance, de la différenciation à l’époque républicaine, à savoir dans les années 1930-40.
On descend un escalier, on rentre dans une cour élégante, et nous voici dans la partie sur l’or de cette succession de petits musées. Nous sommes tout simplement éblouis par la richesse de cette exposition, dont nous vous avons volé quelques photos interdites…


Diadèmes Inca, figures de la Pachamama, bijoux de la culture pré-Inca “Tiwanaku”… Cette exposition est l’une des plus belles que nous ayons vues…
Une petite balade dans les rues de La Paz,


un moment au marché noir (“vous avez des maillots de foot?”…!), des jus de fruits frais, et nous voila partis pour le musée archéologique, appelé aussi Musée de Tiwanaku puisque son exposition est centrée sur les découvertes archéologiques réalisées sur le site de Tiwanaku. Alors tout de suite un petit “rappel” historique (perso moi j’y connaissais rien mais bon!) : les Tiwanaku sont une société andine pré-Inca issue de la migration des Asiatiques il ya 25 à 30 mille ans avant JC. Cette civilisation a connu 5 grandes périodes allant de 1520 avant JC à 1200 après JC. Nous (moi?!) qui ne connaissons que les Incas, la durée de cette civilisation est bluffante, si l’on considère que les terribles Incas n’ont existé que de 1438 à 1700 de notre ère.
Le musée présente donc cette civilisation au travers de différents aspects : l’usage de la feuille de coca comme moyen d’entrer en contact avec les Dieux mais aussi pour ses vertus stimulantes et analgésiques, et en effet, les Tiwanaku ont été les premiers à pratiquer la chirurgie, et laquelle… La “trépanation”, comprenez qu’en filant simplement de l’extrait de plantes analgésiques au patient, les “chirurgiens” creusaient des trous dans les crânes!!! En tout cas les crânes que l’on voit là sont impressionnants, d’une part parce que l’on peut voir les trous des trépanations pour certains, d’autre part parce que les Tiwanaku pratiquaient aussi la déformation de la boite crânienne (comme ce qu’on avait vu à Oruro)! En appliquant une charge sur les têtes des bébés, cette société andine provoquait donc une déformation par esthétisme ou pour témoigner d’une appartenance à une classe sociale! Très très joli Valérie!
Le musée présente aussi les fameuses collections de céramiques (on se souvient du musée d’Alep?!), mais tellement bien conservées que s’en est passionnant. Les couleurs, les motifs (souvent géométriques ou anthropomorphique, peints ou incisés), tout est resté presque intact et c’est un plaisir de se sentir transporté dans cette univers précolombien.
Petite note de la fin, histoire d’en rajouter une couche à l’amour que nous vouons à la colonisation et au nombrilisme qu’il inculque : entre l’arrivée des Espagnols et 1650, ce ne sont pas moins de 190 tonnes d’objets archéologiques d’or et 17 000 en argent qui sont récupérés par l’Espagne. Alors je dis tout simplement bravo, là!
La Paz, c’est aussi la capitale de la coca, c’est pourquoi nous décidons d’aller faire un tour au musée de la coca. C’est vrai que cet usage, ultra répandu en Bolivie au point de faire partie intégrante de la culture bolivienne (Evo Morales allant jusqu’à la défendre en la mâchant aux Nations Unies), n’en est pas moins illégal hors des frontières. Pourtant, il est présenté clairement dans ce musée la différence entre mâcher de la coca (vertus largement démontrées au travers de tests scientifiques : stimulation, lutte contre la fatigue et la faim - la coca est très nourrissante contenant pour 100g plus de protéines et de fer que dans un steak -, propriétés analgésiques, lutte contre le froid…) et fabriquer de la cocaïne (une quantité astronomique de feuilles pour en fabriquer et surtout tout un processus chimique nécessaire). Depuis la nuit des temps, les sociétés andines en ont usage, et entre autre pour entrer en contact avec les Dieux. C’est sans doute pour ça qu’au début de la colonisation, l’Eglise catholique voyant sans doute dans cette feuille son ennemi juré, a fait interdire sa consommation, la rendant démoniaque! La première et seule fois au monde qu’une simple feuille est carrément assimilée au Diable! Mais comme par la suite, les Espagnols voyant bien que sans la coca les mineurs ne pouvaient pas travailler autant qu’avec, ben c’est pas grave, on a revu la copie de la coca : elle est autorisée dit l’Eglise, mais attention, comme il s’agit là des professionnels de retournement de veste, le Pape rajoute qu’elle sera soumise à la dîme! Balaise les arrivistes! J’adoooore les religions!
En attendant, la cocaine reste un véritable problème et, tenant tête à l’Eglise pour arriver en tête des arrivistes, les Etats-Unis entrent dans la partie en force : H. Fonda, un banquier états-unien (banquier??? C’est quoi le rapport vous demandez-vous à juste titre!) dénonce la coca comme nocive et, suivant cet avis (youhou! Les gars? C’est un banquier qui a parlé!!!), les Nations Unies ont fini par interdire la culture et l’exportation de la coca! Aller! Ah oui mais il ne faut pas oublier un… détail de l’histoire. Dérivée du Vin Français Mariani, vin à l’extrait de coca, la fameuse boisson devenue multinationale voit le jour, j’ai nommé : Coca-Cola bien sûr! Et si Coca-Cola Compagny n’utilise plus la cocaïne (au début si!) dans sa recette secrète, les Etats-Unis ont quand même, en 2004, alors qu’ils tuaient père et mère dans la lutte contre la cocaïne et donc de la feuille de coca, importer pas moins de 400 tonnes de feuilles de coca!!! Youuu! Quel talent! Et précisons bien sûr que, comme on l’a dit, il faut un sacré dispositif chimique pour fabriquer la cocaïne, que cette fabrication illégale a lieu à Cochabamba pour la plupart (en plein cœur de la Bolivie) et que qui fait décoller des avions blindés de produits pour les faire atterrir, mais attention! Sans que personne ne s’aperçoive de rien (oui parce qu’ici ils n’ont visiblement pas de tour aérienne dans les aéroports…!)??? Hein?? Qui?? Ben les Etats-Unis pardi! En gros, vous l’aurez compris, le musée de la coca nous a aidés à y voir plus clair sur l’usage de la feuille et la différence avec la cocaïne. Mais il nous aura aussi permis d’en rajouter une couche au matricule déjà bien chargé des USA et leur prétentieuse ingérence mondiale, égoïste et arriviste!
Ca fait beaucoup de choses à assimiler tout ce qu’on a vu là et c’est l’heure pour Matthieu de partir pour son trek de zouf! Trois jours de trek dans la haute montagne, mais surtout l’ascension sur 2 jours du Hyana Potosi, à 6088 mètres! Autant vous dire qu’à bien regarder les posters des mecs qui n’arrivent même pas à sourire pour la photo, la gueule dans la neige, le piolet péniblement soulevé et le tout de nuit, je me suis vite dit que La Paz était la ville IDEALE pour me reposer! Me voila donc partie pour 5 jours en solitaire… enfin pas si solitaire que ça puisqu’en voyage, on n’est jamais seule. Je fais donc la rencontre de Gaëlle dont le copain est lui aussi parti pour quelques jours. Des petits restaus, des après-midi sieste, et l’écriture de pas mal d’articles (aller! On le rattrape ce retard du blog!!!), les 5 jours seront passés bien vite. Moi qui voulais prendre des cours d’espagnol, je n’ai fait que traverser la place Murillo, place historique bordée de la cathédrale, du palais législatif et du palais présidentiel! Enfin… C’Était sans compter sur les soirées! Oui parce que ça danse à La Paz! Et me voila partie toute seule pour 3 soirées salsa! Les bars ici offrent régulièrement des concerts de salsa (toujours le même groupe par contre…) et pas mal de danseurs affluent pour l’occasion. L’esprit est bon enfant ; je suis souvent invitée et profite de la gentille bienveillance des gens quand, arrivant à 23h, on doit attendre plus d’une heure avant que les musiciens se décident! C’est donc l’occasion pour moi de rentrer en contact avec les gens et de passer un moment à discuter. J’aime la salsa aussi pour ça, parce que la danse n’a pas de mots et qu’elle abaisse les frontières entre les gens…
Mais retour à la culture! On ne va quand même pas s’arrêter en si bon chemin! J’ai été voir avec Gaëlle le musée ethnographique et je l’ai trouvé tellement chouette que j’y suis retournée avec mon loulou! Quand on aime, on ne compte pas, et les musées centrés sur la vie des gens, c’est ce que je préfère!
Le musée présente d’abord des textiles (des “unku” = poncho), certains étant d’un âge absolument étonnant, allant jusqu’au IIe siècle! Et en effet, nous apprenons que le tissage remonte à 8-10 mille ans en arrière!
Puis nous entrons dans le cœur de la société andine. Les Carangas, peuple de langue Aymara, étaient un peuple de pasteurs qui construisaient des Chullparas (tours funèbres) pour leurs ancêtres les “Chullpas”. Chaque famille possédait entre 150 et 300 lamas plus 20 à 30 alpagas. Les lamas étaient considérés comme un animal sacré, comme en témoigne le site de Philtuna Pucara, site dédié aux lamas (fresque) pour la fertilité, ou encore le rite du lama blanc qui était dédié à la Pachamama.
Mais plus loin, nous découvrons une salle consacrée à l’art plumesque! Ici les plumes sont considérées comme un purificateur d’air et un réceptacle d’énergie.



Pour ces vertus, et pour montrer le rang social, les plumes étaient érigées sur les têtes, réalisant des chapeaux incroyables dont voici quelques exemples.


Pour finir, une salle sombre met en valeur les masques de carnaval où l’on retrouve les personnages des danses précédemment citées : la diablata (lutte contre le Bien et le Mal), la morenada (danse mélancolique en souvenir des mauvais traitements subis par les Noirs), mais aussi les masques de satire des Espagnols et de leurs méthodes.

Encore quelques jours à La Paz pour remplir un deuxième colis, et nous partons enfin! La Paz, c’était chouette, mais ça reste une ville, et la ville, au bout d’un moment, ça va bien!!

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